Emmanuel Mouret adapte un passage de "Jacques le Fataliste", le roman philosophique de Diderot. Le film se déroule dans le XVIIIe siècle des "Liaisons dangereuses", avec la rhétorique de l’époque - où excellent Cécile de France et Edouard Baer. Qu'en ont pensé les critiques du "Masque & la Plume" ?
Le film résumé par Jérôme Garcin
L’adaptation d’un passage de Jacques le Fataliste, le roman philosophique de Diderot, par Emmanuel Mouret, le cinéaste de L’art d’aimer et de Caprice qui, pour la première fois, s’essaie au film à costumes. Des costumes qui vont très bien à Cécile de France et à Édouard Baer (que vous retrouvez tous les dimanches soir de 22h à minuit, pour Lumières dans la nuit, sa nouvelle émission sur France Inter).
Madame de La Pommeraye (Cécile de France) est une jeune veuve qui s’est retirée du monde, mais a fini par céder aux avances du très libertin marquis des Arcis (Edouard Baer). Jusqu’au jour où elle découvre que le marquis s’est lassé de leur idylle. Elle décide alors de se venger avec la complicité de Mademoiselle de Joncquières (jouée par Alice Isaaz) et de la mère de cette dernière, qui sont ce qu’on appelait alors des femmes de petite vertu.
On est dans le XVIIIe siècle des Liaisons dangereuses, que Mouret filme avec une simplicité frontale, très rohmérienne, et par tableaux successifs, comme pour mieux faire entendre la rhétorique de l’époque où excellent Cécile de France et Edouard Baer.
Pour Xavier Leherpeur, Mouret va totalement à l'encontre des films d'époque
XL : Il fallait qu’Emmanuel Mouret arrive aux films à costumes car il y avait un côté suranné et très littéraire dans ses films contemporains… qui allaient toujours chercher des racines dans le théâtre, dans la littérature du XVIIe et du XVIIIe siècle… Et ce qu'il fait en terme de mise en scène et de reconstitution est extrêmement intéressant car il contredit l’habitude de ces films où on va s’arrêter sur la tasse de thé, sur le fauteuil… qui attestent bien du travail du décorateur. Emmanuel Mouret n’en a pas grand-chose à faire, d’ailleurs il se débarrasse très souvent du superflu.
Il filme une histoire bouleversante, tragique... qui va jusqu’à la découverte du libre arbitre, malgré les conventions et ce que nous impose la société environnante.
Edouard Baer apporte dans cette langue du XVIIIe siècle quelque chose d’impulsif, d’instinctif, qui est contrebalancé par la rhétorique de l’époque.
Cécile de France, elle, travaille quelque chose qui est un langage de tête, qui va apporter de la variation, de la graduation. Alors qu’Edouard Baer est toujours sur le même premier degré, elle va travailler des nuances, elle va devenir carnassière, vengeresse, douce, amoureuse.

Une déception pour Pierre Murat…
PM : À partir du moment où la marquise, prétextant une indifférence, fait avouer l’indifférence de son partenaire, on retombe dans la cruauté et le film est vraiment très bien.
À travers Cécile de France, Emmanuel Mouret parle de la cause des femmes, même s'il le fait un peu lourdement.

Sophie Avon a été impressionnée par le spectre d'émotion de Cécile de France
SA : La force du film vient de cette construction que Mouret apporte au livre de Diderot. Il est très fort car il arrive à croiser deux mouvements complètement contradictoires : une introspection collective et cette vengeance. Et pour qu'il y ait cette vengeance, pour que ce soit aussi cruel après avoir cru au bonheur de l’amour... Il fallait ce début : il fallait que Mme de Pommeraye croit qu’elle puisse séduire ce marquis des Arcis et qu’elle croit à ce bonheur.

Pour Eric Neuhoff, Emmanuel Mouret compte vraiment dans le cinéma français
EN : Malgré les costumes, Mouret est totalement dans son élément, car lui son terrain, ce sont les mots et à cette époque, l’art majeur c’est la conversation. Là, il est corseté par l’époque et ça lui réussit encore plus. Ça lui donne une liberté complète et les acteurs s’amusent beaucoup.
Mouret est un type qui compte vraiment dans le cinéma.

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« Mademoiselle de Joncquières », Emmanuel Mouret - les critique du Masque et la Plume
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