Blockbusters se plonge dans la création de “Metal Gear”. En quoi c'est une œuvre essentielle dans l’histoire du jeux vidéo ? Une histoire qui pose des questions qui vont bien au delà du jeux vidéo, le parcours et la personnalité de son créateur Hideo Kojima et son prochain jeu “Death Stranding” !
Metal Gear est un jeu vidéo d'infiltration, là où habituellement les jeux vidéo nous proposent souvent d'incarner des guerriers affrontant des vagues perpétuelle d'ennemis pour arriver à ses fins, dans Metal Gear il s'agit de pénétrer dans des forteresses ennemies, sans être vu. Le but, empêcher l'activation d'une arme capable de lancer des missiles nucléaires n'importe où sur le globe, un char géant baptisé “Metal Gear”.
Derrière cette histoire simple, uniquement en surface, se cache une réflexion anti-militariste qui s’interroge sur le poids de l’armement et la diffusion de l’information dans nos sociétés contemporaines. Metal Gear parlait des fake news avant même que le nom existe.
Créé par Hideo Kojima, un passionné de cinéma qui dit lui même que son corps est composé à 70% de films, la saga Metal Gear s’est vendu à plus de 55 millions d’exemplaire depuis sa création.
La genèse du jeu
Metal Gear est un jeu d’infiltration : c'est-à-dire que pour une fois on ne doit pas confronter les ennemis mais essayer de les éviter pour rejoindre une zone surveillée. Un jeu d'un genre nouveau, où il ne faut pas tuer les ennemis. On commence de la guerre froide, jusqu'à un futur dystopique, avec des personnages que l'on peut suivre et que l'on peut voir vieillir.
Hideo Kojima a également su introduire dans son récit une dimension méta : un sous-texte qui va faire référence à des éléments en dehors du jeu, avec des phrases qui vont s'adresser directement au joueur. Il y a donc tout un second discours sur un message qui peut être véhiculé différemment de ce dont on pense au premier abord. Kojima passe son temps à raconter une histoire très sérieuse dans un cadre cinématographique, mais rappelle constamment au joueur qu'on est dans un jeu vidéo, qu'on est là pour se divertir. Il sait s'approprier le média jeu vidéo, l'interactivité... et c'est ce qui le distingue d'autres créateurs.
Hideo Kojima, un réalisateur frustré ?
Hideo Kojima rêve d'être réalisateur de films au cinéma. D'ailleurs le personnage de Snake est une inspiration directe de Snake Plissken, dans le film New York 1997 de John Carpenter.
Metal Gear c'est un film dans ta console !
– Pierre-Alexandre Rouillon
On peut le rapprocher d’un Tarantino dans le cinéma, c’est quelqu’un qui aime les films et qui fait tout un tas de clins d’œil aux œuvres qu'il aime, tout en créant vraiment une œuvre à part entière.
– Nicolas Courcier
Toutefois Hideo Kojima met autant d'énergie dans sons scénario, dans ses cinématiques, que dans le gameplay. Donc les Metal Gear sont avant tout des gameplay.
Un jeu qui se joue, mais qui peut aussi se lire
Il y a énormément de cinématiques dans Metal Gear, énormément de conversations où les gens discutent, parlent de la mission, du contexte dans lequel la récit se joue...
Cela part d'un scénario à la James Bond assez classique mais ensuite cela part beaucoup plus loin, et surtout derrière les apparences des deux blocs : bloc de l'est, bloc de l'ouest, de la guerre froide.
– Olivier Bénis
Un jeu si anti-militariste que cela ?
C'est tout le paradoxe car même si le jeu consiste à éviter de tuer des gens, le joueur reste amené à tuer pas mal de personnages. Le 4ème opus met en avant l'idée que les jeux vidéo entraînent les joueurs à tuer sans s'en rendre compte. Le secret de la guerre du futur c'est d'avoir des drones, et cette forme de guerre devient un jeu vidéo dans la vraie vie.
Ce sont des jeux anti-militaristes mais Hideo Kojima a toujours eu des consultants militaires, des licences d'armes officielles, il y a une fétichisation des armes. On est vraiment sur une frontière très étrange entre “la guerre c'est mal” et “quand même “les flingues c'est joli”...
– Pierre-Alexandre Rouillon
Hideo Kojima est-il l'incarnation même du paradoxe japonais ?
Le Japon est un pays traumatisé par la guerre, notamment la guerre nucléaire, et Kojima est l'incarnation de cela. Il a cette espèce de fascination pour les armes dans tous les opus du jeu. Metal Gear est une encyclopédie des armes mondiales, cela vient du pistolet ou même du plus petit couteau, à l'arme nucléaire la plus sophistiquée. C'est extrêmement bien documenté. Et en même temps il y a un message en sous-texte, profondément pacifiste. Notamment dans le 5ème opus, l'un des grands enjeux est d'arriver à une déclunéarisation totale : le joueur doit arriver à démilitariser, déclunéariser totalement son jeu.
Il utilise tous les codes et toute l'imagerie des films américains, mais avec un point de vue anti-américain.
– François Descraques
[ ] pour aller plus loin
- Le livre de Nicolas Courier : Metal Gear Solid – une oeuvre culte de Hideo Kojima, co-écrit avecMehdi El Kanafi et Denis Brusseaux, paru aux éditions Third
- « Metal Gear Solid », jeu vidéo charnière de l’époque PlayStation, fête ses vingt ans, article du Monde, daté du 03 septembre 2018
- RIP Metal Gear Solid, la meilleure saga de jeux vidéo de tous les temps, article de GQ Magazine, daté du 08 mars 2018
- Kojima, ou « Metal Gear Solid » à la vie, à la mort, article du Monde, daté du 02 septembre 2015
- Retrouvez également les œuvres de François Descraques : son feuilleton audio Mystères à St-Jacut, son roman 3e droite, paru aux éditions Flammarion et sa série Le Visiteur du Futur