On dit qu’il faut du temps pour digérer un drame. Qu’on est anesthésié. Qu’on n’est pas apte à accepter la tragique réalité. C’est faux. Pour moi, en tous cas. J’ai compris toutes les implications dès l’instant où l’on a découvert le corps d’Elizabeth. J’ai compris que je ne la reverrais plus, qu’on n’aurait jamais d’enfants, qu’on ne vieillirait pas ensemble. J’ai compris que c’était définitif, qu’il n’y aurait pas de sursis, que rien n’était négociable.
J’ai entendu des conneries du style : ‘Avoir aimé et perdu, c’est déjà positif .’ Encore une idée fausse. Je vous assure, ce n’est pas positif. Qu’on n’aille pas me montrer le paradis pour ensuite le réduire en cendres. Voilà pour l’aspect égoïste. Moi, ce qui me rendait malade, c’était de songer à tout ce dont Elizabeth avait été privée. Vous n’imaginez pas le nombre de fois où je vois quelque chose, où je fais quelque chose qui lui aurait plu. Et rien que d’y penser, la blessure se remet à saigner.
Les gens se demandent si j’ai des regrets. La réponse est : un seul. Je regrette chaque minute où j’ai été occupé à autre chose qu’à rendre Elizabeth heureuse.
