Nés en France ou en Syrie, fils et filles de djihadistes français, ces enfants font peur à l'opinion publique. Sans doute est-ce la raison pour laquelle le gouvernement refuse de tous les rapatrier. Un documentaire passionnant et très fin, à voir sur France 5, montre qu'ils sont avant tous des victimes.
Qu'ont-ils vu ? Qu'ont-il fait sous l’État Islamique? Ils sont souvent trop jeunes pour mettre des mots sur leur histoire. Les enfants dont on parle ici sont nés en France ou en Syrie, ils sont tous Français, et leurs parents ont rejoint Daech. Quelle est l'attitude des autorités vis à vis de ces enfants, dont la plupart ont moins de cinq ans ? Eh bien la règle, c'est qu'il n'y a pas de règle : les situations sont examinées au cas par cas. Cela aboutit à des différences de traitement, qui sont mises en lumière par un documentaire remarquable : "Daech, les enfants du soupçon", disponible en replay sur France 5. Il est réalisé par Sophie Parmentier, de France Inter, et Hélène Lam Trong. Les deux journalistes ont su trouver le ton juste sur ce sujet sensible. Elles ont su gagner la confiance des familles, pour les suivre au fil des mois. Premier exemple, celui de Gladys, dont les enfants ont 3 et 6 ans. A leur retour de Syrie, les deux garçons ont été placés en famille d'accueil. Leur mère, qui est libre dans l'attente de son procès, cherche à recréer un lien avec ses enfants, sans oublier qu'elle risque de retourner en prison.
Le dessin d'animation pour un récit à hauteur d'enfant
D'autres mineurs, en revanche, ne sont pas rentrés en France. C'est même le cas de la majorité d'entre eux. On estime que 250 à 300 enfants sont actuellement dans des camps syriens ou dans des prisons irakiennes. Les journalistes ont suivi un couple de retraités, Suzanne et Marc : leur fils s'est converti à l'islam radical, puis est parti en Syrie en 2014. Aujourd'hui, il est en prison en Irak et ses trois enfants sont dans un camp en Syrie. Suzanne et Marc ont des nouvelles de leurs petits enfants par des SMS et quelques messages audio. La mise en image de cette vie dans un camp du Kurdistan syrien a été confiée - excellente idée - à un dessinateur. A partir de ce que raconte Nassim, le plus grand des petits enfants de Suzanne et Marc, on peut reconstituer sa vie quotidienne. Et ces images d'animations permettent de le faire exister à distance.
L'histoire de Lydie et Patrice est tout aussi bouleversante : leur fille Julie était étudiante, elle a tout quitté pour la Syrie après s'être radicalisée et est morte là-bas, laissant trois enfants orphelins, qui ont été rapatriés puis placés en famille d'accueil. On suit les grands-parents dans leurs démarches, très compliquées, pour obtenir la garde de leurs petits enfants. C'est une autre facette du "cas par cas" à la française...
Des enfants qui sursautent au moindre bruit
Le documentaire donne aussi la parole à des juges, à des professionnels de l'ASE (aide sociale à l'enfance) et à des psychologues qui suivent ces enfants de djihadistes. Leur parole est précieuse pour appréhender ce sujet complexe. Ces enfants font peur à l'opinion publique. C'est sans doute pour cela que le gouvernement refuse de tous les rapatrier. Certains de ces gamins sont visiblement traumatisés, ils sursautent au moindre bruit. D'autres parlent de "Daech" à tout bout de champ et ne peuvent donc pas être scolarisés, pour ne pas effrayer les autres enfants et leurs parents... Voilà qui vient rappeler l'évidence : ces enfants sont avant tout victimes des choix mortifères de leurs parents. Ne vaudrait-il pas mieux les traiter comme tels, plutôt que de les voir comme des "bombes à retardement" ? Ce film, en racontant leur histoire à hauteur d'enfant, fait un travail indispensable.
"Daech, les enfants du soupçon" : disponible en replay sur France 5.