J’ai découvert Paco de Lucia à travers le trio mythique qu’il fit avec deux autres grands guitaristes, John Mac Laughlin et Al di Meola. On était en pleine époque du jazz rock. Ces gars là tricotaient des doubles croches à 2OO à la noire, avec mesures composées balkaniques et peaux de banane sur barre de reprise, si bien qu’il fallait manier la théorie des fractales pour tenter de déchiffrer une de leur partition.Une belle empoignade qui aurait pu virer au concours de quéquettes.. ben non.. C’était sans doute grâce à Paco de Lucia.Les deux autres se cherchaient, c’est sur, mais s’ils n’osaient pas s’arracher les joues avec leurs ongles, c’est qu’il était là, lui, le gardien vivant d’une tradition ancestrale, le dépositaire d’un secret qui ne s’apprend dans aucune école de musique : Le duende…
Le duende, c’est un état de grâce que l’on cherche quand on danse ou joue le flamenco.C’est un charme mystérieux et ineffable, le fameux ‘’je ne sais quoi’’ dont parle Jenkélévitch. Le duende, littéralement, est un démon intérieur, endormi dans ses viscères, qu’on doit réveiller lorsqu’on veut évaluer la vérité de son art. Dans le combat qui va avoir lieu, le sens se disloque, la logique cède à une érotique de la création immédiate. Mais on n’est pas garanti du résultat. Aucune recette ni répétition des mêmes gestes ne peut le créer, il faut s’en remettre au fatum et à la sincérité de ses sentiments.
