Sonia, ça a commencé au « Parisien-Aujourd’hui » et, en une semaine, ça a fait tache d’huile.
Le quotidien allait encore une fois nommer un homme dans sa hiérarchie. Spontanément, soixante-dix-sept journalistes femme se sont portées collectivement candidates au poste de rédactrice en chef. Vertige de la DRH face à ce cauchemardesque entretien d’embauche ! Très vite, les cartes de presse féminines de « L’OBS » ont poussé le même coup de gueule. Puis, à Marseille, d’autres emboitent le pas, dénonçant : « A « La Provence », c’est pareil…en pire ! ».
La presse est majoritairement écrite par des femmes. Un tiers des rédacteurs en chefs en sont. Mais, en France, pas une seule femme n’a été nommée – jamais - à la direction de la rédaction d’un quotidien, ni d’un hebdo d’info. Les exceptions sont d'autant plus cruelles qu'elles sont rares. On peut toujours brandir Giroud et Ockrent au sommet de « L’Express ». Elles furent uniques dans l’histoire des « news magazines », le leur, comme « Le Point »,"Valeurs actuelles", « Marianne » ou « L’OBS ».
Et dans la presse quotidienne ?
Aucune femme n’a jamais dirigé les rédactions d’un titre régional, ni au Nord, ni au Sud, même lorsqu’il est possédé par l’héritière d’un empire de presse familial. Aucune femme à la tête du «Figaro », de « L’Equipe » ou d’un gratuit. En 2013, les femmes des « Echos » avaient entamé une grève des signatures pour alerter sur leur invisibilité à l’étage de la direction. Depuis sa fondation, « Le Monde » ne compte qu’une très brève patronne au titresupreme, Natalie Nougayrède. La seule qui ait durablement exercé cette fonction, transformant en profondeur son journal, c’est Dominique Quinio, grande directrice de « La Croix » entre 2005 et 2015. Et oui, chers amis, les cathos ont fait mieux que les gauchos!! Jamais une femme au pinacle de « L’Humanité ». Ni même de Libé. Franchement, on a l’air de quoi ? Le quotidien le plus lu d’Europe, « Bild », en Allemagne, deux millions d’exemplaires, est dirigé par femme de 39 ans.
Et concrètement, ça changerait quoi à nos journaux ?
« Quel exemple d’égalité et de progrès donnons-nous chaque jour à la société à laquelle nous nous adressons ? », s’interrogent les journalistes de « La Provence ». Certes. Mais la société, pour journal, ne constitue pas seulement un public, pas seulement un tiers. C’est avant tout, une matière. J’ajouterai, moi, quelle pluralité de regards peut-on porter sur la société, quels récits peut-on en faire, si le fin mot est toujours donné par les mêmes ?On ne va pas se mentir, ce métier porte ici les stigmates d’une franche anomalie.