Dans les chroniques de ce matin et de demain, Thomas Legrand fait un peu de prospective politique pour 2020. Aujourd’hui les conséquences possibles du conflit des retraites.
Oui, un mouvement de cette ampleur, de cette durée, aura, bien sûr, des conséquences politiques. Tentons de les lister selon les évolutions possibles de la contestation. Renouant avec une pratique classique de nos institutions, le président a fixé mardi soir les grandes lignes des prochains mois et chargé le 1er ministre de les mettre en œuvre. Edouard Philippe doit, dit Emmanuel Macron, à la fois mener à bien cette réforme et ‘trouver le chemin d’un compromis rapide’. Ces deux exigences peuvent, si elles sont remplies, aboutir à des résultats variés.
La réforme, peut, à force de concessions, de dérogations catégorielles, être parfaitement dévitalisée et cependant adoptée par la majorité. Le couple exécutif aura beau faire mine d’avoir surmonté la plus longue grève dans les transports, personne ne sera dupe. Le Président et le Premier ministre seraient alors terriblement affaiblis. Pour rebondir (envisager la présidentielle de 2022), il faudra alors qu’Emmanuel Macron trouve un autre récit, une autre voie... peut-être un volontarisme inédit sur le thème de l’écologie... c’est ce que pouvait suggérer la seconde partie de son allocution de mardi.
Si, en revanche, la mobilisation contre la réforme faiblit ou perd de sa popularité, si le gouvernement arrive, sans trop concéder, à réembarquer la CFDT et faire adopter une loi contenant l’essentiel de l’esprit et des dispositions initiales, alors il sera dit qu’Emmanuel Macron et Edouard Philippe ont réussi, là ou leurs prédécesseurs ont échoué. Ils seraient renforcés. Ce n’est pas la pente la plus certaine.
Et si la colère perdure et que le gouvernement doit retirer son projet ?
Sans compromis en janvier, Edouard Philippe serait condamné et irait sans doute se relégitimer par les urnes au Havre lors des municipales. Seulement le coup du Premier ministre fusible… ça ne marche plus depuis l’instauration du quinquennat et l’accélération de la vie politique. Depuis aussi qu’avec l’affaiblissement des partis, l’élection présidentielle s’est désidéologisée et outrageusement personnalisée.
Pour les Français de la fin du XXe siècle, les Premiers ministres pouvaient être tenus responsables de l’échec d’une politique. Aujourd’hui, personne ne scande le nom de Philippe dans les manifestations. Il n’y a plus de fusibles. La hauteur élyséenne ne protège plus le président de la colère de l’opinion.
Nous sommes donc, en ce début d’année, à un moment clé du quinquennat. L’histoire du quinquennat va s’emballer... l’éditorialiste politique que je suis souhaite une bonne année aux amoureux de cette matière... ils vont - à n’en pas douter - être servis !