Donc vous dites du bien de la campagne des européennes...
Oui, il y a du mal à en dire... on s’en charge largement, on adore, en France, détester la politique comme on déteste l’adorer! Mais là, il faut souligner que certaines têtes de liste défendent leur ligne avec un ton, un vocabulaire, une attitude affables et apaisés... Ce qui tranche avec la tendance générale du débat public, fait d’invectives, d’exagérations, d’attaques ad hominem. On s’était habitué à une ambiance de campagnes violentes, des leaders qui préfèrent s’adresser à la partie reptilienne de notre cerveau, actionner le mécanisme de l’indignation, le réflexe antagoniste plutôt que de susciter la réflexion. La maïeutique, c’est à dire l’art de faire accoucher une pensée plutôt que de l’imposer, n’est pas vraiment le propre des débats de notre temps, arrosés par la mitrailleuse des réseaux sociaux et de l’info-continue. François-Xavier Bellamy, Raphaël Glucksmann, Manon Aubry et Yann Brossat, chacun dans leur style, impriment un autre ton.
Le cas le plus marquant est celui de F.X Bellamy...
Oui... Quel contraste avec le simplisme agressif et assumé que constitue la trame habituelle du propos de Laurent Wauquiez. Il n’est pas là question de radicalité... Non, ce que dit Bellamy est empreint d’un lourd conservatisme. Le sujet n’est pas non plus le niveau intellectuel. Le normalien Wauquiez est tout aussi lettré que l’agrégé de philosophie Bellamy. Ce n’est pas non plus une stratégie ‘bad-cop/good cop’. Non c’est sans doute une question d’état d’esprit et aussi de non professionnalisme, donc de fraicheur politique. Bellamy, en développant des arguments assez droitiers, sur le thème de l’enracinement ou de la tradition, ne se croit pas obligé, pour autant, d’expliquer, comme le fait le patron de LR, que les autres (et principalement Emmanuel Macron) sont des déracinés, hors-sol, ou que les étrangers sont des envahisseurs avides de nos allocations! Son ton, affable, pénétré, un peu séminariste versaillais, est certes sociologiquement typé... mais il a l’avantage de ne pas flatter les bas instincts : peur, sarcasme, caricature. Bellamy, en tout point l’anti Wauquiez-Morano, sera peut-être au bout du compte le passe-plat d’une droite beaucoup plus clivante... mais en attendant, ça repose ! Raphael Glucksmann non plus n’a pas les codes agressifs du combat électoral à la hussarde. Son air de grand échalas universitaire, ses pudeurs (vraies ou fausses) à porter le fer avec la mauvaise foi qui sied à la joute politique, permet d’entendre une voix d’opposition qui ne cherche pas à tout prix à hystériser les enjeux ni à prétendre inventer un nouveau monde en stigmatisant l’ancien. Manon Aubry pour LFI : son style un peu jargonneux associatif, à la compétence apaisée, bienvenue, comparé à la stratégie du tumulte par l’affrontement permanent d’un JL. Mélenchon toujours prêt à mordre. Enfin Yann Brossat, clair, précis et sans non plus d’agressivité… pas sûr, cependant, que cette tendance à l’apaisement par les novices de la politique soit électoralement payante : les 14% de Bellamy restent, en fait, l’étiage bas de la droite… aucun d’eux ne décolle dans les sondages… mais il y a quelques chose de rassurant à simplement constater, avec ces petits éclats de civilisation, que l’on peut encore s’exprimer, débattre sereinement de politique en France.