Le président fait du drame de Notre Dame une métaphore de l’état social et psychologique du pays. Oui, ‘nous sommes un peuple de bâtisseurs, nous avons tant à reconstruire’, dit-il hier dans son allocution.
Il s’agissait de Notre Dame, mais la parabole est là ! Plus que suggérée. On peut la dérouler : les fondations, la structure, le corps du bâtiment, (tellement ciselé et sophistiqué qu’on pouvait le croire fragile) a tenu malgré l’incendie. Mais il faut rénover la bâtisse de fond en comble, reconstruire sa charpente, son toit, la flèche qui faisait sa majesté. Ce bâtiment qui a toujours évolué, il faut le réinventer pour le sauver. Faut-il le reconstruire à l’identique, c’est-à-dire être conservateur? Avec les mêmes matériaux et les mêmes savoir-faire ? Ou alors, pour garder son aspect, en moderniser juste la structure, utiliser la haute technologie, des matériaux bio-sourcés ou composites ? Ou enfin faut-il être progressiste, moderniser l’apparence, comme l’avait fait Viollet-Le-Duc au 19ème siècle, quand a été ajoutée la flèche ? Un tailleur de pierre est un tailleur de pierre ou un bâtisseur de cathédrale, l’artisan d’une œuvre qui dépasse l’entendement ; bâtisseur d’un édifice qui ne sert à rien de concret, ne produit rien de matériel et ne rapporte aucun revenu. Seulement du spirituel et de la beauté, et de cette matière indéfinissable : la chose commune ! Dit comme ça la métaphore avec la France, son modèle, son organisation, cet alliage de solutions techniques, culturelles, esthétiques, ces choix possibles (conservateurs, progressistes), la métaphore fonctionne. La république comme cathédrale à la structure à la fois sophistiquée et solide mais minée par la crise, un sentiment d’injustice et de désaffiliation, cette république est à rebâtir. Comment ? C’est à voir mais ensemble et pour tous... donc la parabole est parlante... Mais ? Mais on n’affronte pas si facilement le tragique de l’histoire à l’heure des réseaux sociaux et du tout-info. Cette métaphore peut aussi paraitre fabriquée, vue comme une manœuvre, du pipeau enjôleur et grandiloquent pour masquer une impuissance et une absence d’horizon. La métaphore est à double tranchant. Le destin, décidément bien imaginatif, a fait s’enflammer l’édifice le jour où le Président devait présenter un plan révolutionnaire. Ce que l’on en sait ne ressemble pas à un plan de cathédrale, tout au plus de quoi repeindre une ou deux chapelles ! Mais attendons qu’il soit officiellement présenté pour en juger vraiment. Quand il s’agit de l’âme de la France, il faut revenir à Hugo. Il disait, s’agissant de Notre-Dame : ‘L’homme, l’artiste, l’individu s’effacent sur ces grandes masses sans nom d’auteur ’... Une cathédrale n’a pas de nom d’auteur. Filons encore la métaphore : le relèvement du pays doit être une œuvre commune, sans nom d’auteur. Il faudra qu’Emmanuel Macron instaure une pratique du pouvoir moins personnaliste, moins verticale. Mais cela dépend autant de lui, de son art de gouverner, que des Français eux-mêmes qui paradoxalement, demandent tout au président, le voudraient puissant mais sans pouvoir, ou l’inverse. Mais au-delà des parallèles séduisants, il sera plus facile de reconstruire Notre Dame que de rebâtir la cohésion nationale.