Ô toi rutabaga, héros de nos gratins Ô toi topinambour, terreur des intestins Je vais en quelques vers conter votre destin
PATATICUS
Tragédie de Racines
Racines avec un S
Où êtes-vous passés ô glorieux tubercules?
Qui nous avez nourris, et des siècles durant
Dans des potées épaisses ou l'avoine flocule
Dans des plats mijotés pendant des heures de rang
La gloire qui fût votre pendant des millénaires
S'éteignit brusquement un funeste mardi
Le jour où Parmentier et quelques militaires
Firent briller la patate à grands coups d'interdits
Cette migrante infâme arrivée en bateau
Ne se fit pas prier pour vous mettre au tombeau
Purées, frites, gratins, tout lui fût dévolu
Des usages sans fin lui étant reconnus
Pataticus enfin écrasant les anciens
Entra dans les cuisines et régna haut la main
Fin des formes étranges de tous les tubercules
Fi du céleri rave et ses diverticules
Adieu côté pointu du cerfeuil tubéreux
La rondeur s'imposa, en fûmes nous heureux?
Non! car je vous vous le dis: il serait ridicule
De prétendre un jour nourrir l'Humanité
De ces seules rondeurs et sous ces monticules
En renonçant de fait à la diversité
Faire pousser des patates c'est construire des buttes
Puis bousiller les sols pour aller récolter
Ce n'est évidemment pas ainsi que l'on lutte
Pour préserver la vie et la fertilité
A vous les jardiniers, maraîchers permacoles
De saisir le flambeau afin de nous sauver
Entre vos mains expertes les savoirs agricoles
Feront renaître un jour la biodiversité
Saluons le retour de tous ces tubercules!
Saluons le retour de cette Liberté!
Soyons reconnaissants des efforts majuscules
De tous ces paysans qui triment sans moufter
Je vous le dis bien fort et prétends faire école:
"Nous toucherons un jour l'avenir radieux
Si, suivant le Vivant, dans le monde agricole
Humblement nous cessons de nous prendre pour Dieu."