Dans les grandes stations de ski des Alpes du Nord, il règne un calme inhabituel en raison du Covid 19. Les remontées mécaniques sont à l’arrêt. Un coup dur pour l’économie locale. Mais la faune, elle, en profite pour occuper les espaces désertés par les humains.
Durant l'exploitation du domaine skiable, ce sont les oiseaux qui sont confinés. Mais depuis le début de la pandémie, c'est l'inverse. Les humains sont absents et les oiseaux réinvestissent les zones qu'ils n'auraient jamais dû quitter
En cette première semaine des vacances scolaires de février 2021, le décor est insolite au cœur de la station de Flaine. Les remontées mécaniques sont à l'arrêt pour cause de Covid 19, le bruit des perches qui s'entrechoquent s'est tu, remplacé par le gargouillis d'un torrent, un couple de chamois broute tranquillement au-dessus d'une piste bleue déserte.
Bertrand Muffat-Joly, agent de l’Office français de la biodiversité (OFB) nous emmène à la recherche du lagopède. Pour espérer voir cet oiseau de la famille des galliformes (comme le tétras-lyre) , de la taille d'un pigeon, il faut grimper tout en haut des pistes, au-dessus de 2000 mètres d'altitude.
"C'est un oiseau qui, au moment du recul des glaciers, au lieu de remonter en latitude a compensé en allant en altitude. C'est pour cela qu'en France on en a dans les Pyrénées et les Alpes. C'est un oiseau qui vit principalement dans les zones froides et enneigées comme les environs de Flaine" explique le naturaliste, spécialiste des galliformes de montagne.
Une antenne et un boitier à la main et skis de randonnée aux pieds, l'agent de l'OFB traque le signal d'un lagopède équipé d'une balise GPS. L'appareil émet des bips mais ne capte pas de signal. L'oiseau est peut-être sur un autre versant, voire de l'autre côté de Flaine, dans la réserve naturelle nationale de Sixt-Passy.
Menacé par le réchauffement climatique et les activités humaines
La station de Flaine a été construite de toutes pièces dans les années soixante, soixante-dix là où il n'y avait que des alpages. "Le lagopède a réduit son utilisation spatiale et ses effectifs ont diminué mais c'est difficile de comptabiliser leur nombre" explique Bertrand Muffat-Joly. Son terrain s'est fragmenté. Le réchauffement climatique est une menace supplémentaire, les stations de ski ont la tentation d'aller chercher la neige plus haut, ce qui risque de réduire encore un peu plus leur zone d'habitat.
Le naturaliste reconnaît qu'il y a une prise de conscience depuis quelques années. La station de Flaine a été la première à se doter d'un observatoire de la biodiversité dans les Alpes. L'Office français de la biodiversité travaille avec les responsables du domaine skiable pour délimiter des zones "sanctuaires" interdites aux skieurs. Bertrand Muffat-Joly a beau porter un blouson floqué "police de l'environnement", pas toujours facile dit-il de faire comprendre aux amateurs de glisse qu'un champ de poudreuse intact leur est interdit pour ne pas déranger les oiseaux.
Ce jour de février, il neige et les pistes sont enveloppées de brouillard. Difficile de repérer, le lagopède, le roi du camouflage.