Plus de 40 ans après la guerre du Vietnam et les bombardements américains, le Laos reste le pays le plus pollué au monde par les bombes à sous-munitions et les explosifs de guerre qui continuent à détruire des vies.
La province de Houaphan dans le nord du Laos est l'une des régions les plus reculées du pays. Un paysage montagneux parsemé de forêts, de rizières, de maisons en bois... et de bombes héritées de la guerre.
Au milieu des champs qui bordent la route près de la frontière vietnamienne, une dizaine de démineurs et de démineuses, en uniforme beige, avancent pas à pas avec leurs détecteurs de métaux. Attentifs au moindre signal, ils recherchent des "bombies", ces sous-munitions aux allures de boules de pétanque. Ancien commando de marine dans l'armée française, Yvon Le Chevanton supervise les opérations de déminage pour l'ONG Handicap International: "On trouve des bombes, des obus d'artillerie ou de mortier, des grenades et beaucoup de sous-munitions dans les rizières et sur les routes. Dans cette région, nous avons aussi découvert des champs de mines. Ici, depuis le mois de janvier dernier, nous avons déjà détruit près de 1 800 engins explosifs."

Pendant la guerre du Vietnam, entre 1964 et 1973, l'armée américaine a largué plus de 2 millions de tonnes de bombes sur le Laos soit un bombardement toutes les 8 minutes. Selon les estimations, près de 80 millions de sous-munitions ne se sont pas déclenchées au moment du conflit. Aujourd'hui, elles peuvent exploser au moindre mouvement.
15 000 survivants ont besoin d'une aide à vie
Depuis la fin de la guerre en 1975, les bombes à sous-munitions continuent à faire des victimes au Laos. Plus de 15 000 survivants d'accidents ont besoin d'une aide médicale, sociale ou psychologique.

Dans le village de Houayhou, certains habitants ont payé un lourd tribut comme Kua Tcho Tor. Ce paysan de 58 ans a perdu sa main quand il était enfant. Il est tombé sur une bombe alors qu'il travaillait dans une rizière avec ses parents: "Aujourd'hui, je ne peux compter que sur ma famille. Si elle n'était pas là pour me soutenir, je n'aurais plus qu'à me tuer! Sans l'aide de mes enfants, je ne pourrais pas survivre."
Chue Por Vang nous accueille dans l'unique pièce de sa petite maison en bois. Ce jeune fermier se souvient du jour où sa vie a basculé à l'âge de 17 ans. Son bras gauche a été arraché à cause d'une sous-munition qui a explosé sur le chemin de l'école: "Je suis allé dans le plus grand hôpital de la province pour me faire soigner. Les frais médicaux ont coûté cher, presque 1 000 euros. Ma famille était pauvre: on a dû emprunter de l'argent à des amis et des voisins. Il nous a fallu 5 ans pour rembourser nos dettes."

Les enfants premières victimes
Au Laos, depuis la fin de la guerre, près de 25 000 personnes ont été tuées ou blessées dans un accident d'explosif. Aujourd'hui encore, les enfants restent les premières victimes. D'où l'importance des programmes de prévention menés par certaines ONG en lien avec le gouvernement laotien.

Dans la commune de Muang O, les équipes de Handicap International vont à la rencontre des habitants pour leur expliquer quels sont les risques. Dans l'école du village, on apprend aux enfants à ne pas jouer avec les "bombies", ces petites bombes qui peuvent ressembler à des balles ou des jouets. Julien Kempeneers coordonne le programme de déminage chez Handicap International: "Nous accompagnons les enseignants dans chaque village. Le gouvernement a mis en place un programme d'éducation aux risques dans les écoles. Nous faisons de la prévention depuis 20 ans et ça commence à porter ses fruits".

Encore un siècle de déminage ?
Les accidents liés aux bombes sont de moins en moins fréquents. On en dénombre désormais moins d'une cinquantaine par an grâce à la prévention et au déminage prioritaire des zones habitées et des terres agricoles, nécessaires à la survie des villageois. Dans les campagnes, les explosifs de guerre sont un frein au développement. Mais les opérations de déminage sont longues et coûteuses.

Environ 30% du territoire laotien serait pollué par les bombes à sous-munitions et les explosifs de guerre. Il faudra encore attendre plusieurs décennies, peut-être jusqu'à la fin du siècle, avant que le pays en soit définitivement débarrassé.
Aujourd'hui dans le monde, 90% des victimes de bombardements sont des civils. En 2015, Handicap International s'est lancée dans une campagne "contre les armes explosives en zones peuplées". Une cause que l'ONG défendra lors du Forum de Paris sur la paix du 11 au 13 novembre 2019. D'ici à l'année prochaine, elle espère aboutir à une déclaration politique "ambitieuse pour protéger les populations civiles". Un texte qui serait soumis à la signature des États dont la France.