"Aucun éloge n'est digne d'un si grand nom" : telle est l'épitaphe qu'on grava sur le sarcophage de Machiavel en 1787 dans l'église Santa Croce de Florence.
C'est à l'église Santa Croce de Florence que Nicolas Machiavel fut inhumé dès le lendemain de sa mort le 22 juin 1527. Mais le corps d'un écrivain est d'abord le corpus écrit de son oeuvre - et ce corpus, malgré l'indignation et les scandales, ne cessera de hanter notre modernité politique.

Des éditions de Machiavel s'organisent à Florence et à Venise. Le rythme et le format de ces parutions montrent qu'il y a bien un public pour ces parutions.
Les temps changent... La diffusion de l'oeuvre machiavel se heurte bientôt aux rigueurs de la Contre-Réforme. Les Jésuites orchestrent en Italie une campagne anti-machiavélienne qui aboutit en 1559 à la mise à l'index de l'auteur du Prince. L'Index librorum prohibitorum était un catalogue de livres pernicieux dont la lecture était considérée comme un péché mortel. Il interdisait théoriquement jusqu'à la citation des œuvres condamnées.
En Espagne, la censure pontificale bloque la diffusion des traductions du Prince qui s'était rapidement développée quelques années auparavant.
En France, au contraire, elle la relance. Dans le contexte des guerres de religion, Catherine de Médicis favorise tant la traduction du Prince par Jacques Gohory que les Huguenots n'ont aucun mal à la dénoncer comme "machiavélique".
Tandis que le nom de Machiavel se déforme en "-isme", le machiavélisme devenant l'insulte suprême que les belles armes adressent aux politiques. La pensée de Machiavel continue de circuler - mais sous des noms d'emprunts : lorsqu'un auteur du XVIe siècle feint de se référer à Tacite, c'est le plus souvent à Nicolas Machiavel qu'il fait une œillade appuyée.