Des scènes similaires se sont produites à Alexandrie, la deuxième ville du pays, où manifestants et policiers se sont affrontés près de bâtiments gouvernementaux. Neuf personnes au moins ont été touchées par des tirs de fusils à plomb, a-t-on appris de source médicale et auprès de la sécurité.
Au Caire, Hamdine Sabahy, candidat de la gauche à l'élection présidentielle du printemps dernier, a prévenu: "Notre révolution se poursuit. Nous rejetons la domination de tout parti sur l'Etat. Nous disons non à l'Etat-Frères musulmans", a-t-il dit.
"Les gens veulent la fin du régime", lisait-on sur des pancartes place Tahrir, comme une réminiscence des slogans de la "révolution du Nil" de l'hiver 2011.
"Sauver l'Egypte de la loi du Guide suprême", disait une autre bannière, en référence à Mohamed Badie, Guide suprême des Frères musulmans.
_Parmi ceux qui dénoncent la confiscation de la révolution par les Frères Musulmans, il y a l'écrivain Khald el Ramissi, l'auteur du livre "taxi", interrogé par Vanessa Descouraux._
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S Egypte/ Ecrivain El Ramissi
Des milliers de manifestants ont également défilé dans plusieurs grandes villes égyptiennes, comme à Suez, Ismaïlia et Port-Saïd.
CONTRE LA "FRÉRISATION"
Dans un discours prononcé jeudi à l'occasion de l'anniversaire de la naissance du prophète Mahomet, le président Mohamed Morsi a appelé la population à célébrer la révolution "d'une manière civilisée, pacifique, qui préserve notre nation, nos institutions, nos vies".
"Les Frères sont très préoccupés par l'escalade, c'est pourquoi ils ont tenté de ne pas apparaître au premier plan le 25 janvier", analyse Shadi Hamid, directeur de recherches du Brookings Doha Center.
"Il pourrait très bien y avoir le même type d'échauffourées que nous avons vues auparavant, mais je ne vois rien d'important se passer qui soit susceptible de modifier fondamentalement la situation politique", a-t-il ajouté.
Les laïques et les libéraux rassemblés au sein du Front du salut national (FSN) accusent les Frères musulmans de vouloir dominer le pays et de restreindre les libertés civiques, notamment depuis l'adoption en décembre par référendum d'une Constitution controversée.
"Je participe aux manifestations d'aujourd'hui pour rejeter la constitution déformée, la 'Frérisation' de l'Etat, les attaques contre l'Etat de droit et le mépris du président et de son gouvernement pour les demandes de justice sociale", a déclaré sur son compte Twitter Amr Hamzawy, un dirigeant de l'opposition laïque.
"CONCURRENCE UTILE, SÉRIEUSE"
Les yeux rivés sur les prochaines élections législatives, les Frères musulmans n'ont pas appelé leurs partisans à descendre place Tahrir mais ont fêté le deuxième anniversaire de la révolution en lançant une campagne caritative en faveur des plus démunis.
Dans les colonnes du quotidien gouvernemental Al Ahram, le Guide suprême Mohamed Badie déclare que le pays a besoin d'une "concurrence utile, sérieuse", pour réformer un Etat corrompu laissé par l'ère Moubarak.
"Les différences d'opinion et de vision que l'Egypte traverse est une caractéristique au coeur de la transition pour passer de la dictature vers la démocratie, et traduit clairement la diversité de la culture égyptienne", a-t-il déclaré à Al Ahram.
"L'importance de l'anniversaire est de remonter le moral des Egyptiens: plus d'espoir et plus d'emplois", a déclaré quant à lui Ahmed Aref, porte-parole de la confrérie islamiste qui se trouvait place Tahrir pendant les 18 jours qu'a duré le soulèvement contre Moubarak.
L'Egypte traverse depuis deux ans une crise économique dont elle a du mal à se remettre, malgré l'aide financière apportée par le Qatar.
Pouvoir et opposition se rejettent la responsabilité de la crise, alors que la chute de la livre égyptienne a renchéri le coût des denrées à l'importation dont le pays dépend cruellement.
Avec Ashraf Fahim et Marwa Awad au Caire et Abdel Rahman Youssef à Alexandrie; Julien Dury et Hélène Duvigneau pour le service français, édité par Henri-Pierre André