Il y a peu, l’Amérique et le monde découvraient horrifiés la photo de ce père de famille originaire du Salvador, et de sa fille de 23 mois, morts noyés dans le Rio Grande, à la frontière entre Mexique et États-Unis. Le drame illustre le désespoir de ces migrants prêts à tout pour gagner l’eldorado américain.
Lundi dernier, la photo de ce père de famille originaire du Salvador et de sa petite fille de 23 mois morts noyés dans le Rio Grande, à la frontière entre Mexique et États-Unis, rappelait le cliché du petit syrien Aylan dont le corps avait été retrouvé sur une plage de Turquie en 2015.

Vu d’ici le Rio Grande ne parait pas très large : à Matamoros, du côté mexicain de la frontière, on peut descendre à pied jusqu’à la rivière. Brownsville, Texas, est juste de l’autre côté, à une cinquantaine de mètres. On aperçoit d’ailleurs la barrière, le mur en métal bâti par les autorités américaines. La rivière n’est pas très large mais la traversée est dangereuse. Un panneau l’indique d’ailleurs : "Peligro".

Kate Herrington est une habitante de Brownsville, qui, chaque jour, traverse la frontière pour apporter de l’aide et de la nourriture aux migrants : "Il y a beaucoup de courant", constate-t-elle. "Énormément de débris végétaux qui flottent, et en plus il a beaucoup plu la semaine dernière. Les eaux sont boueuses. Si vous ne savez pas bien nager, c’est très dangereux…"
Sur ces rives mexicaines du Rio Grande, on repère assez vite l’endroit où les corps de la petite Valeria, 23 mois, et de son père Oscar Ramirez ont été retrouvés. Les rubans de la police mexicaine qui délimitent les lieux sont encore là. C’est ici que la photo a été prise : ce cliché où l’on voit la fillette noyée dans quelques centimètres d’eau, et qui s’accroche encore au cou de son père : "J’ai pleuré en voyant cette image", reprend Katie, "j’ai eu peur que ça soit quelqu’un que je connaissais. Ce n’était pas le cas. Mais deux personnes sont mortes, dont une fillette. Cette scène me brise le cœur. Il est impératif de trouver une solution pour ces gens-là le plus rapidement possible."

Attendre, sans eau, sans abri, sans nourriture, de pouvoir traverser
Si ces familles tentent la traversée du Rio Grande, c’est parce que, du côté mexicain de la frontière, des centaines de personnes (originaires du Honduras, du Salvador, du Guatemala…) attendent de pouvoir traverser par le pont, le Gateway Bride, qui relie Matamoros à Brownsville, afin d’aller déposer aux États-Unis une demande d’asile.

Mais chaque jour, elles sont très peu nombreuses à pouvoir le faire. Le délai peut atteindre trois mois et il faut attendre ici, sur les bords du Rio Grande, sans eau, sans abri, sans nourriture, c'est pour ça que certains tentent la traversée à la nage. On voit de nombreuses familles, dont des femmes enceintes et des enfants en bas âge.

Dans un centre d’hébergement situé cette fois du côté américain de la frontière, on rencontre Pablo et sa fille de 10 ans. Tous les deux ont l’air épuisé après un voyage de 21 jours qui les a mené, de leur village du Honduras jusqu’au Texas. Eux aussi ont traversé le Rio Grande la semaine dernière. Au prix d’un grand danger : "On était embarqué sur un petit canot pneumatique", décrit Pablo. "Quatorze personnes dessus ! Les passeurs (NDLR : payés 6.000 dollars par cette famille de deux personnes, pour les amener du Honduras jusqu’au Texas) nous ont dit que c’était la meilleure solution, et la plus rapide. Mais on a eu très peur. Le canot a commencé à se dégonfler. Nous avons terminé à la nage puis j’ai marché dans l’eau. J’avais ma fille sur les épaules, au milieu d’un courant beaucoup plus fort que ce que je pensais."
Après la traversée, Pablo et sa fille ont été arrêtés par les garde-frontières américains, placé trois jours en centre de rétention, puis libérés le temps de l’examen de leur demande d’asile. Tous les deux, qui n’ont plus rien que leurs vêtements et un récépissé des autorités américaines, peuvent maintenant aller où ils veulent aux États-Unis, en attendant le résultat de leur demande d’asile. Ils devraient bientôt quitter Brownsville pour rejoindre un oncle installé en Caroline du Sud, et qui a promis de leur payer - bientôt – un ticket de bus pour monter plus au nord.

Quant aux corps de la petite Valéria, 23 mois, et de son père (il avait 25 ans), ils viennent d’être rapatriés au Salvador.