Le film de Marie Portolano jette une lumière implacable sur le sexisme auquel sont confrontées les femmes journalistes dans le milieu du sport. À la suite de sa diffusion, Radio France a ouvert une enquête interne. Sur Twitter, plus de 77 000 messages ont été postés avec le hashtag #PierreMenesOut.
Quelles traces laissera-t-il dans les rédactions sport et au-delà ? Diffusé dimanche soir sur Canal et disponible en replay, le documentaire "Je ne suis pas une salope, je suis journaliste" a suscité de nombreuses réactions. En livrant sa propre expérience et celle d'une vingtaine de ses consoeurs, Marie Portolano (ex-figure de la chaîne cryptée), y dénonce de façon implacable le sexisme subi par les journalistes femmes dans le milieu sportif. Un documentaire censuré par Canal, qui a fait retirer des passages mettant en cause son chroniqueur foot Pierre Ménès, a révélé le site Les Jours.
Une enquête interne
Première conséquence concrète : Radio France (groupe auquel appartient France Inter) a annoncé l'ouverture d'une enquête interne afin de faire la lumière sur les agissements décrits dans le film par la journaliste Amaia Cazenave. Cette spécialiste rugby rapporte de nombreuses remarques sexistes et évoque notamment le comportement d'un collègue criant plusieurs fois "j’ai envie de baiser" dans l’open space, alors qu’il se trouvait seul avec elle.
Des condamnations publiques
Si les femmes interrogées par Marie Portolano n'accusent personne nommément, la révélation de passages coupés au montage a braqué les projecteurs sur Pierre Ménès, figure emblématique du foot sur Canal. Dans l'un de ces extraits, ensuite diffusé sur C8, la réalisatrice confrontait le chroniqueur, lui rappelant qu'il l'avait agressée quelques années plus tôt en soulevant sa jupe avant de lui empoigner les fesses, hors antenne, mais devant le public de l'émission.
Deux séquences ont par ailleurs été vite exhumées sur les réseaux sociaux. Sur la première, Pierre Ménès embrasse de force la journaliste Isabelle Moreau sur le plateau du Canal Football Club, en 2011. Sur la seconde, il réitère avec sa consoeur Francesca Antoniotti en 2016 au cours de l'émission Touche pas à mon sport.
"Il est choquant qu'un journaliste sportif profite de sa notoriété et du fait qu'on soit en direct pour commettre des agressions sexuelles", a réagi sur BFM TV Marlène Schiappa, ministre déléguée à la Citoyenneté.
Autre prise de parole notable, celle de la porte-parole du ministère de l'Intérieur, sur Twitter. "Embrasser quelqu'un de force/par surprise, lui "attraper les fesses"... Sur un plateau TV, dans les transports, au travail, quel que soit le contexte, il s'agit d'une agression sexuelle punie par la loi", écrit Camille Chaize.
Des témoignages
Au-delà de ces condamnations, le documentaire de Marie Portolano a déjà amené d'autres femmes à s'exprimer sur le sexisme ambiant dans le monde des rédactions sportives. "Je présentais les JT du soir sur Infosport. Quand j’ai annoncé que j’étais enceinte, un responsable m’annonce : 'Tu vas être trop grosse pour l’antenne, si c’est un prématuré tu seras absente trop longtemps, donc on arrête'", raconte sur Twitter Solene Chavanne, qui officie désormais à LCI.
Invitée de C à Vous, Anne-Laure Bonnet a elle aussi fait part de son expérience. "Quand je travaillais pour TF1 sur la Formule 1, on m'a dit 'si tu maigris pas, on t'enlève de l'antenne", rapporte-elle, amère. "Au bout d'un moment, vous en avez marre alors vous partez."
Appelant à ne pas faire de Pierre Ménès "le centre des débats", Charlotte Gabas (BeIn Sports) livre ses propres souvenirs : "Quand un collègue te dit que 'vu comme t’es habillée t’as forcément pas passé la nuit toute seule', qu’un autre te coince contre le mur en te disant qu’il veut te faire l’amour, qu’un autre regrette de ne pas être celui qui enlèvera cette si jolie robe ce soir".
Plus de 77 000 occurrences pour le hashtag #PierreMenesOut
Après la diffusion de "Je ne suis pas une salope, je suis journaliste", Pierre Ménès a livré lundi soir un mea culpa en demi-teinte dans l'émission de Cyril Hanouna, Touche pas à mon poste. Mine contrite, il a fait part de ses "profonds regrets", concédant "mériter un peu" ce qui lui arrive. Avant d'affirmer : "Évidemment que je ne le ferai plus, c'est #MeToo, on ne peut plus rien faire, on ne peut plus rien dire".
Loin d'être suffisant pour éteindre la polémique. Ce mercredi à la mi-journée, le hashtag #PierreMenesOut donnait lieu à plus de 77 000 occurrences, selon l'outil de veille en ligne Visibrain, qui recensait également plus de 12 000 #MenesOut.