- D’après le film Au diable Staline, vive les mariés ! de Horatiu Malaele titre roumain Les noces silencieuses scénario Horatiu Malaele et Adrian Lustig- Adaptation et mise en scène Didier Bezace
Un conte populaire

Que la noce commence est le dernier spectacle que je monte en tant que directeur sur la scène de la grande salle du Théâtre de la Commune . J’y retrouve sur et autour du plateau, toute mon équipe artistique et notamment bon nombre de comédiens, parmi les dix-huit nécessaires au montage du spectacle, qui m’ont accompagné depuis 1995 : La Noce chez les petits bourgeois suivie de Grand’peur et misère du IIIe Reich d’après Brecht / Pereira prétend d’après le roman de Tabucchi / Le Piège d’après Emmanuel Bove / Chère Elena Sergueïevna de Ludmilla Razoumovskaïa / Conversations avec ma mère d’après Santiago Carlos Ovés…À travers ces créations, j’ai tenté de fabriquer, de saison en saison, un répertoire de théâtre populaire dont les enjeux dramaturgiques se situent résolument au croisement de l’Histoire et de la vie intime des personnages. Ce sont la plupart du temps des gens issus du peuple ou d’une modeste classe moyenne qui se trouvent brutalement confrontés au déroulement implacable d’une Histoire dont ils ne maîtrisent pas – est-ce par faiblesse, inconscience ou lâcheté ? – le cours, mais qu’ils subissent individuellement et collectivement jusqu’au plus profond de leur existence. Le courage leur est nécessaire, souvent ils n’en manquent pas, mais aussi la ruse et l’imagination. Ce sont deux qualités indispensables à leur survie, privés qu’ils sont des moyens qu’emploient les puissants pour asservir le monde.[...]Au coeur de la comédie politique se cache un sens profond qui m’incite à faire de ce projet le signe de ma démarche artistique depuis le Théâtre de l’Aquarium jusqu’à La Commune d’Aubervilliers : Que la noce commence est un hommage au théâtr e. Comme ces acteurs italiens dont on dit qu’ils ont inventé mime et pantomime pour contourner les contraintes d’une censure de plus en plus rigoureuse et continuer à « parler » quand même sur le tréteau des places publiques, les villageois roumains réduits au silence par l’oppresseur, réinventent un vocabulaire gestuel pour « parler » leur noce ; résistants et poètes, ils sont le théâtre populaire, tour à tour tonitruant, farceur, silencieux et inventif : vainqueur par imagination, vaincu par la bêtise.Comédiens et gens du peuple sont ces « gens de peu », infiniment petits et fragiles, infinimentgrands et forts, de cette force inattendue toujours réinventée et imprévisible, que craignent tantles puissants parce qu’elle contient en elle le germe de la révolte. Didier Bezace

L’histoire
Roumanie 2009, une équipe de reportage de la chaîne privée Paramedia parcourt le pays à la recherche des « faits étranges » qui s’y sont déroulés. Elle interviewe le maire d’une petite commune, Mr Gogonea – qu’on appelait Gogonica quand il était enfant. Celui-ci la mène sur un site industriel en ruine étrangement peuplé de femmes en noir fantomatiques et d’une vieille prostituée insolente, Marinela, qu’il semble bien connaître. Aux journalistes curieux et impressionnés par l’aspect lugubre du lieu, Gogonea explique que bien des années auparavant il y avait à cet endroit un village que les Soviétiques ont détruit pour bâtir une usine et que bientôt des capitalistes européens vont reconstruire un autre village… de vacances celui-là. Mais que s’est-il passé réellement ici qui puisse expliquer le malaise diffus ressenti par les journalistes ?Gogonea se tait et regarde au loin. Son silence ému nous ramène 60 ans en arrière, très exactement quelques jours avant la fin du printemps 1953 [....]

